Le New Burlesque : revues et négligés
- Écrit par Nathalie Brochard
Si je vous dis Dita von Teese, tout de suite vous pensez pin-up et strip-tease, mais si je vous parle de Vinila von Bismarck, vous pencherez probablement pour héritière d’une marque de casques à pointe et jet-setteuse à ses heures perdues. Pourtant, ces deux femmes ont un point commun : le New Burlesque dont elles se revendiquent. Et si vous connaissez la première, c’est que les médias généralistes en ont fait leurs choux gras tandis que la seconde a peu accès au papier glacé en raison des « messages non conformes aux normes mainstream qu’elle véhicule et de fait peu vendeurs », comme beaucoup de ses consoeurs, dixit la performeuse féministe Darlinda just Darlinda.
Populaire
A l’origine, le burlesque est un genre populaire de divertissement, né à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, qui emprunte aux spectacles de cabarets européens. Itinérants, ces shows mettent en scène des femmes à la personnalité affirmée et des freaks humains dans une ambiance de foire. Le mélange inédit satire sociale-numéros musicaux-grivoiseries attire alors un public extrêmement varié. Après-guerre, les pin-up marquent l’apogée des numéros légers et ce, jusque dans les années 60 où une plus grande liberté sexuelle les ringardise. C’est en 1995 que Michelle Carr fonde la troupe du Velvet Hammer dans la salle de concert dont elle est propriétaire à Los Angeles, lieu de rencontre des groupes underground et des figures de la contre culture. Son idée : faire revivre le burlesque en ajoutant au strip-tease le théâtre, la chorégraphie, l’humour et l’exagération, en réaction à un monde pétri par l’uniformité du modèle esthétique hollywoodien. Pour cela, elle recrute, selon ses propres termes, « des danseuses de toutes tailles et de toutes corpulences ».
Révolutionnaire
Darlinda just Darlinda explique que « le simple fait de mettre en scène des personnes en surpoids est un acte politique. Ajoutez la danse, puis la sexualité et vous avez un acte révolutionnaire ». Quand on évoque les tenues légères des artistes burlesques, ou l’exploitation du corps des femmes, elle s’insurge : « ça n’a rien à voir avec la danse contact ou le pole dance, nous ne sommes jamais nues sur scène »… Astuce de langage, on parle en effet d’« effeuillage » et non pas de strip-tease. Notre performeuse précise que « le public est essentiellement féminin et que la salle est très éclairée contrairement à ce qui se fait dans les sex-shows », ce qui d’après elle, « décourage les voyeurs ».
Volontaire
La nouvelle vague burlesque explore en effet les questions d’identités sexuelles et la place du corps dans la société. Les performeuses Dirty Martini, Juliette Dragon ou Wendy Delorme revendiquent une liberté totale. Pour elles, pas question de cacher ce sein qu’« on » ne saurait voir. Quant au discours sur l’exploitation du corps féminin, il renvoie, selon elles, à l’ordre patriarcal qui cherche à contrôler les femmes, à les rendre invisible. Les artistes burlesques maîtrisent la chaîne de production de A à Z et s’engagent dans une énième tentative de libération des corps, d’affranchissement des normes physiques et des injonctions idéologiques, y compris celles de leurs aînées. Demandez le programme !
Nathalie Brochard