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chronique féminista-voyageuse

Le fleuve des oiseaux peints

14-03-2013 C.M.

Le fleuve des oiseaux peints

Kilomètre après kilomètre, des éléments surgissent. Nous sommes en Uruguay depuis trois jours, je rencontre Carlotta à Montevideo. On parle du président du pays, José Mujica. Elle dit "Il n'est...

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Négociations

Comment décide-t-on de partir deux mois en Uruguay à vélo avec sa mère ? On ne décide pas vraiment. Ou en tous cas, pas moi.

Dans ma vie, la plupart des négociations avec les personnes qui me sont proches se font au consensus. Ça veut dire que nous discutons longuement, que nous apprenons à nous connaître, dans nos besoins, nos désirs et nos limites. Nous nous employons à formuler des moyens termes, nous anticipons le compromis. Bien sûr, ça ne marche pas toujours, ça n'empêche pas d'être à côté de la plaque ou d'agir sous le coup de la colère. Bien sûr, ça rend parfois l'atmosphère pesante et ça nous coupe dans certains élans, audacieux ou improbables. Mais c'est aussi puissant, réconfortant, fou ET improbable. J'ai la plupart du temps le sentiment d'être entendue et de savoir ce que je veux.

Avec ma mère, ça ne fonctionne pas comme ça. C'est une femme formidable. Elle est forte. C'est elle qui décide. Et puisque c'est elle qui se coltine tout le boulot, qui conduit, qui fait les plans, la vidange, le jardin, la liste de courses, le menu du jour, les bonnes idées pour Noël et la paperasse de son fils, elle sait bien qu'elle ne sera jamais mieux servie que par elle-même, qu'elle doit contrôler la situation. Sincèrement, ma mère, je la trouve super : attentionnée, déterminée, curieuse et savante. Elle est vraiment vaillante car il faut bien reconnaître qu'en tant que mère, fille, sœur et épouse, on lui en fait voir, souvent.

Parce que dans sa vie de femme, les compromis sont autant de couleuvres d'angoisse à avaler, autant d'œufs sur lesquels sempiternellement marcher, parce qu'il faut bien se débrouiller toute seule et gérer pour les autres, la recherche du consensus n'est pas vraiment sa tasse de thé : elle préfère le rapport de force.

Ma mère, elle fait du vélo. Du genre «autonome», avec du bon matos, léger et adapté pour voyager loin et pas cher. Un bon moyen d'aller où on veut et de vivre des aventures exaltantes. Un bon moyen de se donner une passion en dehors du quotidien de la maison. Je voulais lui proposer un moment à deux, un moment pour lui faire plaisir et nous faire plaisir. Il y a plusieurs mois, je distingue une fenêtre dans mon agenda et lui dis «laisse papa à la maison, on se fait deux ou trois semaines de vélo ensemble en février». Proposition osée : je n'ai jamais passé autant de temps seule avec elle... Elle est enthousiaste !

«Mais c'est l'hiver et, même en Espagne, nous aurons froid» - elle propose de partir plus loin, là où c'est l'été. Elle a les moyens et moi pas. Si elle paie, je suis d'accord. «Mais on ne peut pas partir loin seulement trois semaines, aller à l'autre bout du monde pour si peu de temps, ce serait ridicule» - elle propose cinq semaines. Je rechigne (surtout dans ma tête), je dis oui, m'organise. Elle arrête des dates, accumule les plans, les points d'étape, les listes de matériel, les infos sur les vaccins. Je me plonge dans la littérature uruguayenne, la dictature militaire, les femmes dans la lutte armée et le mythe de la «petite Suisse de l'Amérique du Sud». Elle pèse les bagages, répare les vélos. J'achète une méthode d'apprentissage rapide de l'argentin, cherche des contacts sur place. Elle me rappelle : «J'ai acheté les billets ! Nous partons huit semaines». Deux mois complets ?! Je lui réponds gentiment qu'elle m'a bien embobinée... et j’obtempère. Voilà : j'ai un problème de négociation avec ma mère.

Quand je croise des amies et que je leur dis «Je vais faire, un truc un peu fou : deux mois... en Uruguay... à vélo... avec ma mère», elles s’esclaffent : «Deux mois ! Je ne ferais jamais ça !». Je réponds avec un petit rire nerveux «Moi non plus !». Alors elles se rattrapent : «ça va sûrement être super... c'est vraiment beau de faire ça avec sa mère».

Voilà bientôt quinze années que j'ai quitté l'appartement de mes parents. Nous prenons l'avion dans douze jours. Le suspense me fait comme un m&ms coincé en travers du gosier. Il y aura sûrement des petits moments de crise entre elle et moi. J'essaie de ne pas trop m'inquiéter : les m&ms, ça finit toujours par fondre, gentiment.

 Retrouvez l'épisode précédent  à la rubrique "Tous les articles" sous "Chronique féminista-voyageuse"

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