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EVERYBODY’S PERFECT
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rencontres culturelles
Le festival gay et lesbien Everybody’s Perfect, qui se déroule du 10 au 21 novembre au CAC, est à la fois une 1ère édition et un revival. Il y a 32 ans, Pierre Biner et Rui Noguerra s’étaient déjà entendus, envers et contre tous, pour monter le programme Cinéma et Homosexualité dans les locaux du CAC, alors sis rue Voltaire ; aujourd’hui épaulés par la dynamique Agnès Boulmer, ils récidivent, bien entourés par un petit team de professionnels et une large équipe de bénévoles motivés.

Au programme 2010, 70 fictions et documentaires, avec de nombreux inédits tels le sulfureux Chant d’amour de Jean Genêt, ou le survivant du nazisme Jeunes filles en uniforme dans la section Pionnier du festival, une mine d’or pour cinéphiles. L’offre passe du film grand public (Bound des frères Wachowski; Harvey Milk de Gus van Sant) aux œuvres de terrain version home-movie ou pamphlet engagé tourné à l’arrache (Le FHAR), sans oublier des documents télévisuels suisses sur l’homosexualité.

A noter encore en ouverture une Greta Gratos éthérée, tout de blanc vêtue, chantant aux sons d’une harpe, et une nuit bizarre le 20 novembre pour les amateurs de cinéma décalé, récompensés à l’aube par un café-croissants, nuit précédée par une soirée spéciale en l’honneur et en présence de La Chocha, réalisatrice lesbienne et icône underground de L.A. qui prône l’éducation par la comédie.

Evolution des temps et des dénominations

Jadis une thématique, le festival affiche aujourd’hui les identités de la communauté dont il projette les productions. Le nom choisi par Pierre Biner est porteur : à la fois un appel à l’ouverture, une prise de position contre l’homophobie et la marginalisation, il est aussi ludique et cinéphile. « Everybody’s perfect » - « tout le monde est parfait », renvoie à l’échange, dans les dernières scènes de Certains l’aiment chaud de Billy Wilder (1959), entre l’inénarrable Daphné (Jack Lemmon travesti en femme à poigne) et son prétendant énamouré, Osgood (Joe E. Brown).

Petit rappel :

Daphné : - Nous ne pouvons pas nous marier.

Osgood : - Pourquoi pas ?

Daphné : - D’abord, je ne suis pas une vraie blonde.

Osgood : - Ça m'est égal.

Daphné : - Je fume. Je fume tout le temps.

Osgood : - Je m'en fiche.

Daphné : - Je traîne un horrible passé. J’ai vécu trois ans avec un joueur de saxophone.

Osgood : - Je te pardonne.

Daphné : - Je ne peux pas avoir d'enfants.

Osgood : - On peut en adopter.

Daphné : - Tu ne comprends pas, Osgood. Je suis un homme !

(ôtant sa perruque)

Osgood : - Eh bien... personne n'est parfait !

Ce « personne n’est parfait » traduit l’acceptation totale de l’autre, de la personne aimée, fut-elle du même sexe, et signe l’esprit du festival. Nous sommes des êtres imparfaits, mais chaque individu est parfait tel qu’il est, tel qu’il pense être, tel qu’il a besoin d’être : parfaits dans nos individualités.

Un festival pas comme les autres

Plus qu’une phrase promotionnelle, « un festival pas comme les autres » marque la volonté de dépasser le cadre d’un festival de films, de ne pas tomber dans le simple divertissement ou le nombrilisme – risque inhérent à tout événement culturel lié à une communauté. Everybody’s Perfect utilise le cinéma comme tremplin pour questionner le grand public, rendre visible les minorités homosexuelles, faire connaître et faire avancer les problématiques rencontrées par celles-ci. Plusieurs tables rondes sont organisées dans ce but, avec pour thèmes la normalisation des homos, la transsexualité et le transgendérisme, ou encore l’homopaternité.

De nombreuses thématiques sont mises en exergue: Fiertés (gaies) donne une perspective historique du combat contre l’homophobie et les écueils encore bien présents (La Parade, It’s elementary). La Religion reste l’obstacle le plus important, le plus lourd, en Occident (Prêtre, Fish Can’t Fly) et en Orient (A Jihad for Love). L’Amour, bien entendu, est particulièrement célébré au festival – à voir en particulier Edie & Thea : A Very Long Engagement, un document touchant qui retrace les 40 années communes de deux femmes, avant l’acceptation et la légalisation des unions homosexuelles. De l’amour à la Famille, il n’y a qu’un pas, qui lui aussi entraîne pour les homosexuel-l-e-s un certain nombre de problèmes, que ce soit au sein de la famille d’origine (Ander, sur le mode tragique), ou pour fonder sa propre famille (Les joies de la famille, sur le mode comique). Le Genre, sujet d’évidence incontournable ici, se décline en une multitude de témoignages de travesti-e-s, transsexuel-l-e-s, ou de personnes intersexe ; parmi cette offre, on retiendra Venus Boyz, un documentaire sur les Drag Kings, ces femmes qui mettent en scène, jouent et réinventent, à travers l’habillement mais aussi par la prise d’hormones, les notions de genre, de sexe, et de rôles.

Mais Everybody’s Perfect cherche aussi à interpeller sa propre communauté, à l’informer d’autres réalités homosexuelles, à transmettre l’histoire de la militance passée aux jeunes. La section Droits humains confronte le public aux vécus d’homosexuel-l-e-s dans d’autres parties du monde, et notamment à la radicalisation de certains gouvernements envers la question de l’homosexualité – souvent en réaction aux positions et aux pressions occidentales pour l’égalité.

L’Afrique, si souvent absente des festivals, n’a pas été oubliée ici : à signaler le très beau Dakan, du guinéen Mohamed Camara, tout premier film africain à évoquer l’homosexualité, qui plus est sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1997; et Africa’s Last Taboo, un documentaire engagé dont l’intérêt n’est pas la forme, mais le propos rappelant que les droits gagnés dans nos pays ne sont de loin pas acquis partout. Les mobilisations décrites dans le film tiennent de la chasse à l’homme, et les propos des manifestants font froid dans le dos.

Finalement, en reflet de l’équipe d’Everybody’s Perfect, composée en majorité de bénévoles enthousiastes et dévoués de 21 à 71 ans, la section Emergences offre une place importante à la relève, dont une grande partie est encore étudiante.

Dis maman, c’est quoi un homo ?

Un festival LGBTIQ…. c’est quoi ? Toutes mises dans un même panier, les minorités de genre et d’orientation sexuelle ont rapidement commencé à se diviser en sous-groupes, comme l’illustre bien le document historique de Carole Roussopoulos, Le FHAR. D’homosexuels à gays et lesbiennes, de transsexuel à intersexe, de queer à transgenre, les subdivisions, changements d’appellations et nouvelles dénominations se multiplient. Comme l’a relevé Manon Pulver lors de la table ronde sur la question de la normalisation des homos, il faudra bientôt une spécialisation pour s’y retrouver parmi toutes ces lettres identifiant les sous-groupes, incompréhensibles de l’extérieur. Si c’est fondamental dans la compréhension et l’acceptation de sa propre identité, nécessaire pour clarifier les diverses appartenances, et positif lorsque cela signe l’intégration de toutes les variétés émergentes de genre ou d’orientation sexuelle, ces catégorisations divisent si elles n’existent que pour se démarquer des autres.

Quelques points de repères et définitions courantes :

L Lesbienne : homosexuelle, femme qui aime une femme, saphisme. Dérivé de la poétesse Sapho de l’île de Lesbos, dont les écrits évoquent le quotidien des femmes et célèbrent la beauté des jeunes filles. Les hommes ont longtemps estimé que la relation sexuelle entre femmes n’existait pas, puisqu’elle n’incluait pas la présence active d’un homme, à tel point que les amitiés romantiques entre femmes étaient même encouragées jusqu’au 19e siècle dans certains pays d’Occident. Cette idée a existé dans de nombreux pays à travers le monde : les femmes se livraient à des pratiques sexuelles entre elles, mais le concept de sexualité étant liée au pénis, ces comportements n’étaient dès lors pas considérés comme étant sexuels ni par les hommes, ni par les femmes de ces communautés. Le lesbianisme en tant qu’orientation sexuelle n’existe que depuis le 20e siècle dans nos contrées; dès lors il a été considéré comme déviant. Péj. : gouine. Réf. : Colette

G Gay : ou gai au Canada, anglicisme signifiant homme qui aime un homme, par extension tout ce qui touche à l’homosexualité ; à l’origine, gay en anglais signifie joyeux, devenant au fil du temps associé à des mœurs légères, immorales. Du comportement libertin aux libertés prises dans les attitudes et la tenue vestimentaire, le pas est rapidement franchi, et le terme devient une alternative pour signifier efféminé, puis homosexuel. Le mot gay a été récupéré par la communauté homo aux Etats-Unis dans le slogan « We are Good As You » - « Nous sommes bien comme vous ». Péj. : pédale, tapette. Réf. : Jean Marais

B Bi : bisexuel-l-e, sans discrimination sexuelle ; péj. : mange à tous les râteliers. Réf.: Marlene Dietrich

T Trans : transgenre(s), du travesti-e au transsexuel-l-e, marque la transition, le passage à l’autre sexe sur les plans vestimentaire, hormonal et/ou chirurgical H<->F, F<->H.

Transgenre : terminologie en évolution, qui chapeaute toutes les personnes dont le genre – c’est-à-dire l'identité psychique et sociale liée aux concepts d'homme et de femme – n’est pas en accord avec leur sexe biologique. La trans-identité se réfère à la fois à l’identité, à des parcours de vie, et à des pratiques ; elle n’est pas liée à l’orientation sexuelle.

Contrairement aux transsexuels, les personnes transgenres ne ressentent pas forcément le besoin de changer de sexe pour appartenir à une seule catégorie de genre : comme leur nom l’indique, ils traversent (ou transcendent) les genres, au point d’être parfois multi-genre. Réf. : Divine, l’égérie du réalisateur John Waters.

Travesti : personnes qui s’habillent et se présentent avec les marqueurs externes du sexe opposé à leur sexe biologique, sans pour autant souffrir de conflits psychiques liés à cette dualité. Réf. : Daphné dans Certains l’aiment chaud.

Transsexuel :personne dont le sexe psychique est en désaccord avec le sexe anatomique et qui ressent le besoin de vivre dans son corps et dans la société dans son sexe psychique, au point de recourir aux traitements d’hormones ou à la chirurgie. Coccinelle, née Jacques Dufresnoy (1931-2006), célèbre meneuse de revue, première transsexuelle française opérée.

Il y a de nombreuses variantes, dont les principales sont MtF (male to female, HvF : homme vers femme) ; FtM (female to male, FvH : femme vers homme) ; ou MtU et FtU, c’est-à-dire homme ou femme vers inconnu, ou indéterminé. Sans parler d’un possible retour au sexe d’origine, c’est-à-dire lorsqu’un-e transsexuel-l-e fait retour sur son changement anatomique pour revenir à son identité sexuelle d’origine.

I Intersexe : terme préféré à hermaphrodite (en mythologie : fils d’Hermès et d’Aphrodite), caractérisé par un développement d’un appareil génital mâle et femelle tous deux reproducteurs ; zool. : escargot. Les personnes intersexe présentent une ambiguïté sexuelle et la présence simultanée de tissus testiculaires et ovariens, ne permettant pas de les catégoriser selon les critères habituels en homme ou femme. Réf. : Le mystère Alexina, film basé sur l’histoire vraie d’Herculine Babin, née femme en France en 1838, déclarée homme après examen médical en 1860.

Q Queer : de l’anglais bizarre, étrange ; androgynes, inclassifiables. L’adjectif queer est utilisé d’abord pour signifier quelqu’un ou quelque chose d’excentrique, qui déroge de la norme. De suspect, le terme glisse vers le déviant, pour devenir au 20e siècle un terme dérogatoire pour désigner un homosexuel. Depuis une vingtaine d’années, ce qualificatif a été récupéré par la communauté LGBT pour se définir (ex. The Queer Nation), mais pas tous se sentent à l’aise avec cette catégorisation. Le terme est actuellement utilisé pour rassembler de manière très large tous ceux et celles qui ne se retrouvent pas dans la catégorisation hétéronormative, mais pas tous ceux qui font partie de la communauté LGBT ne se retrouvent dans cette appellation. Il peut ainsi y avoir des hétéros queer, et des homos non-queer. Réf. : Orlando (Virginia Woolf)

Ces définitions restent très larges et schématiques, ne rendant pas justice à la diversité humaine – mais peut-elle et doit elle être définie ainsi ? Elles ne peuvent pas être appliquées à chacun : une femme qui tombe amoureuse d’une autre femme ne se définit pas nécessairement comme lesbienne ou même comme bi-sexuelle ; une personne qui s’habille parfois avec des tenues du sexe opposé ne se reconnaît pas forcément dans l’appellation travesti ; et ainsi de suite.

Petit Abécédaire du festival

S’il demeure important de définir (pour comprendre) chaque genre, chaque façon d’être, chaque orientation sexuelle, c’est aussi un procédé en réaction à l’hétéronormativité et à sa rigidité, qui la perpétue. Le fait de se rassembler en sous-groupes et le résultat positif découlant du sentiment d’appartenance est à double tranchant ; elle peut également entrainer le rejet de l’autre sur la base d’une appartenance différente, un trait caractéristique de l’être humain que l’on retrouve de tous temps et dans toutes les cultures. Les luttes intestines de la communauté LGBTIQ transparaissent dans certains films contemporains projetés au festival. Pour exemple, un extrait de Almost Myself, documentaire composé de témoignages de personnes transsexuelles aux Etats-Unis : « Beaucoup de gays sont contre les transsexuels. Ils se disent: « Tu es gay et tu ne veux pas l’admettre. » L’homosexualité et le lesbianisme sont affaire de sexualité et la transsexualité est une affaire d’identité. Les 2 groupes ont en commun le fait qu’ils ont une orientation sexuelle ou une identité considérée comme non-biologique. (…) Certains se sentent décrédibilisés par les membres du mouvement queer. »

Le drapeau arc-en-ciel de la fierté gay propose une alternative : toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, toutes les variantes possibles et imaginables, toutes équivalentes. Remplacer la rigidité normative par l’acceptation de l’incroyable diversité de la nature humaine. S’affirmer, sans que ce soit au détriment des autres. Plutôt que d’isoler certaines lettres de l’alphabet, des manifestations comme Everybody’s Perfect célèbrent la diversité humaine, en reconnaissant l’existence et la nécessité des lettres LGBTIQ, mais en proposant aussi toutes les autres lettres de l’alphabet.

Petit tour festivalier en forme d’abécédaire inspiré par cette volonté d’ouverture et d’intégration :

A Anders als die Andern (Différent des autres) : il s’agirait du premier film à traiter de l’homosexualité. Coupé, censuré, puis brûlé par les nazis, il n’en reste qu’une version fragmentée, retrouvée bien après la sortie du film en 1919. Il dépeint sous le couvert de la fiction la situation intenable des homosexuels allemands, soumis au paragraphe 175 du code pénal qui menait droit à la prison tous ceux suspectés de cette « déviance », ne fut-ce que sur dénonciation. Ce témoignage historique muet est projeté le dernier jour du festival, accompagné en live au piano.

B Baier, Lionel : figure incontournable du cinéma suisse, dans tous les milieux mais en particulier pour la visibilité qu’il donne à la thématique homosexuelle. Deux films à ne pas rater : le très personnel et abouti Garçon stupide, et La Parade (notre histoire), un documentaire sur le parcours du combattant qu’a été l’organisation de la première Gay Pride du Valais en 2001, canton dans lequel les autorités locales étaient persuadées qu’il n’existait pas d’homosexuels…

C (La) Chocha : Ana Margarita Albelo, dite La Chocha, dont les titres sans équivoque affichent clairement la volonté subversive: Broute-minou à Palm Springs et Hooters ! un terme qui se réfère à la fois à la chouette, car le film parle des OWLs, Older Wiser Lesbians ou lesbiennes de plus de 40 ans, mais signifiant aussi « nichons » en argot. Présence exceptionnelle de la réalisatrice le samedi 20 novembre, pour une discussion engagée suite à la projection de ses films. Séance de dédicaces le lundi 22 novembre au magasin de DVD Aker.

D Dieu, Diversité, Déculpabilisation : « Je ne crois pas en un Dieu qui vous créerait tel que vous êtes et qui fasse en sorte que vous soyez haïs, par Dieu ou le monde. Je crois en un Dieu qui crée de la diversité. Nous sommes tous uniques. Etre gay ou lesbienne fait partie de la diversité naturelle de la création. Il ne faut pas en avoir honte. Si vous apprenez à vous aimer comme Dieu vous aime, vous pouvez être un gay ou une lesbienne heureux-se toute votre vie. » Un protagoniste de Fish can’t fly

E Epstein, Rob: documentariste engagé dont les 3 films projetés valent le détour. The Celluloid Closet, un documentaire culte qui pointe les allusions homosexuelles codées et cachées des films hollywoodiens, avant et pendant le code Hays ; The Times of Harvey Milk, complément indispensable au film de fiction de Gus van Sant sur l’activiste et politicien ouvertement gay assassiné à San Francisco en 1978; et Paragraphe 175, un article du code pénal allemand datant de 1794 et condamnant l’homosexualité, qui fut activement mis en pratique sous Hitler pour arrêter, torturer et tuer des milliers de gays allemands pendant la 2e Guerre Mondiale.

F Fondateurs : un homme, une femme : les deux créateurs du Gai Savoir, association faîtière du festival. Pierre Biner, pierre angulaire d’Everybody’s Perfect ; et Agnès Boulmer, force vive dont la production filmique, Les premières Assises genevoises contre l’homophobie, a trouvé tout naturellement sa place au sein de la sélection.

G Genet, Jean: de multiples écrits et un unique film tout aussi provocateur, censuré pendant 25 ans, inspiré d’un univers carcéral que l’auteur a lui-même connu. Un Chant d’amour lascif aux hommes, à leurs entraves et leur liberté, au désir mêlé de voyeurisme, au sexe cru et à l’amour domination, aux corps magnifiés par le noir et blanc, court délire esthétique et érotique devenu culte.

H Homopaternité et Homo Baby Boom : un débat et un film sur les questions liées à la paternité et la parentalité des homosexuels. A-t-on besoin d’un père et d’une mère pour un développement psychique harmonieux ? Comment gérer la parentalité lorsque celle-ci n’est pas légalement reconnue pour le/la 2e partenaire d’un couple? Comment expliquer à un enfant qu’il a deux pères, ou deux mères ? Ces enfants souffriront-ils de discrimination dans les cours d’école ? Toutes ces questions sont évoquées dans le documentaire sans prétention Homo Baby Boom, à travers les récits de parents homosexuels en Espagne, où des lois récentes ont permis le mariage et l’adoption de couples homosexuels.

I (L)Ivresse des nuits après le cinéma à Livresse, délocalisée le temps du festival dans les sous-sols du Grütli ; le café-librairie reste semblable à lui-même, un lieu accueillant pour les accros de culture, ouvert aux flâneurs de tous bords.

J (a) Jihad for love : un des premiers reportages à parler de l’attirance homosexuelle chez des personnes de confession musulmane, déchirées entre les préceptes de leur foi, leurs pulsions et leurs sentiments, et les répercussions sociales. Le réalisateur, un Indien gay et musulman, a passé 6 ans à faire ce film, notamment pour établir des relations de confiance avec ses protagonistes. Tourné dans 12 pays, dont l’Iran, l’Irak, et le Pakistan, mais aussi les Etats-Unis, A Jihad for Love rappelle la souffrance de jeunes gays américains croyants, élevés dans un protestantisme radical, tentant désespérément de réconcilier leur foi, qui condamne sans appel l’homosexualité, avec leur désirs sexuels – le risque de mise à mort en moins (Fish Can’t Fly).

K Katzenball (Le Bal des chattes sauvages) : portrait attachant et divertissant de lesbiennes suisses alémaniques des années 50 et 60, vivant leurs amours et leur différence en cachette, et leur confrontation à la génération actuelle, dont les envies de nidification diffèrent passablement de ceux de leurs aînées. Le bal des chattes sauvages se réfère à un club pour femmes genevois très coté dans les années 80.

L Lemon, Jack : travesti en Daphné, une femme qui ne s’en laisse pas conter dans Certains l’aiment chaud, il s’entend dire après avoir révélé à Osgood, son prétendant énamouré, qu’il est en fait un homme : « Well, nobody’s perfect ! » Et bien si, justement : Everybody is perfect ! Festival à l’appui.

M Mädchen in Uniform : Jeunes filles en uniforme, le premier film lesbien, un des touts premiers films avec une distribution entièrement féminine, on pourrait presque dire un film de femmes : tiré d’une pièce de théâtre saphique et semi-biographique de Christa Winsloe, une lesbienne affichée, adapté à l’écran par Léontine Sagan en 1931, traduit par Colette, tourné, monté, joué par des femmes ; et enfin, sauvé de la censure par Eleonor Roosevelt. Un très beau film noir et blanc sur la dureté des pensionnats pour jeunes filles du début du siècle passé, mais surtout, sur la proximité naturelle des femmes entre elles.

N Noguerra, Rui : trublion d’il y a 30 ans et d’aujourd’hui qui a permis aux homos genevois de tous bords de s’afficher à travers un, puis deux festivals – car il réitère, le bougre, mettant ainsi fin à son mandat au CAC comme il a commencé, par un geste superbe et théâtral, digne de la plus imposante diva.

O (L’) Ordre des mots : ce document très bien filmé élève le débat en donnant la parole à 6 personnalités transgenre ou intersexe, militants et intellectuels, des précurseurs du mouvement trans en France qui partent de leur parcours de vie et leur quête identitaire pour interroger la validité et les fondements philosophiques des notions de genre et d’identité. « Est ce qu’on appartient à l’humanité, est-ce qu’on relève de l’humanité, si on est ni un homme ni un femme ? », demande un androgyne intergenre, devenu par défaut MtF (male to female, ou HvF, homme vers femme).

P Photos : le vécu des Hijras en Inde et au Pakistan est en exposition pendant toute la durée du festival à Dialogai, aux Pâquis, en association avec OnuSida. Le terme se rapporte à des hommes qui s’habillent et se comportent comme des femmes –des femmes licencieuses cependant. Mythologiquement, il s’agit d’êtres ni hommes, ni femmes, capables de rendre fertile ou de jeter un sort; les pouvoirs de cette caste millénaire seraient issus du rituel d’émasculation que la plupart des hijras suivent. Ils se trouvent actuellement de plus en plus réduits à la mendicité et à la prostitution, en raison de l’homophobie introduite par la colonisation britannique.

Q Questionnements : les douloureuses incertitudes identitaires de Judy/Joseph, un homme devenu femme à l’aide de 12 opérations, et qui songe à repasser sur le billard 20 ans plus tard pour redevenir un homme, sont documentées par Tom Murray dans Almost myself, se terminant par une résolution inattendue in extremis par bonus interposé. Où l’on constate que les rebondissements de l’existence peuvent parfois dépasser ceux de la fiction.

R Résilience : celle des jeunes et des moins jeunes, nécessaire pour accepter et vivre leur homosexualité. L’ouvrage de Caroline Dayer sur les coming out, "De l’injure à la gay pride. Construction sociale de la connaissance et processus identitaire", sur les formes d’affirmations identitaires personnelles et collectives qui s’éprouvent dans notre société, montre que le sentiment d’inadéquation, d’anormalité des personnes ne correspondant pas à la norme hétérosexiste est transversal, quel que soit l’âge, l’éducation ou le milieu social. Résultat : un taux de suicide élevé chez les jeunes, des années de vie tourmentées, et ailleurs, l’ostracisme social, l’emprisonnement, voire la mise à mort.

S Sharman, Jim : et son Rocky Horror Picture Show qu’on ne présente plus, élément indispensable à toute soirée filmique située dans la mouvance Camp, sur laquelle Susan Sontag a longuement disserté et qu’elle perçoit comme une sensibilité esthétique marquée par l’artifice - « l’essence du camp est l’amour de ce qui n’est pas naturel : de l’artifice et de l’exagération. »

T TSR : une contribution historique au sujet, qu’il s’agisse de laisser une ouverture télévisuelle inédite à la communauté gay en 1980 en passant le film-tract du GHOG, ou 15 minutes d’agit-prop gay, dans l’émission « L’Antenne est à vous » ; d’un Temps présent sur les homophiles en 1971, bien avant la télévision française ; ou encore d’un reportage sur Annemarie Schwarzenbach, écrivaine suisse et l’androgyne compagne officielle d’Ella Maillart.

U Union : voir à ce sujet Edie & Thea : A Very Long Engagement (De très longues fiançailles). La question de l’union se pose pour tout couple, hétéro, homo, ou autre, à un moment donné de son parcours. Edie et Thea ont vécu plus de 40 ans ensemble, la majeure partie du temps dans un contexte où le partenariat entre homosexuel-l-e- ne paraissait qu’un rêve inaccessible. Finalement, à un âge où les couples hétéros deviennent pour la plupart des grands-parents, et malgré le stade avancé de la maladie dont souffre Thea, ces activistes amoureuses font le voyage au Canada pour finaliser leur engagement vis-à-vis de la société, accomplissement ultime de leur vie à deux et point d’orgue de leur engagement militant.

V VIH : Le virus du sida, malgré les formidables avancées médicales, reste un sujet central dans la sexualité au 21e siècle, quelle que soit sa forme. En Afrique, 23 millions de personnes sont touchées par cette maladie, les modes de contamination sont encore largement inconnus par la population, l’accès aux trithérapies est difficile, quand ce n’est pas la peur d’être dénoncé en tant qu’homosexuel qui retient les malades d’aller se faire soigner (voir Africa’s Last Taboo). Aux Etats-Unis, on constate chez les jeunes l’émergence de pratiques consistant à rechercher la contamination afin de pouvoir pratiquer le barebacking, des rapports sexuels sans préservatif entre hommes, en général VIH positifs (voir The Gift).

W www.mosaic-info.ch: un site pour de soutien pour les jeunes, qui lutte contre les préjugés dont ceux-ci peuvent souffrir dans leur entourage et en milieu scolaire, au travers d’infos, de conseils, et de témoignages adressés non seulement aux ados, mais aussi à leurs parents et professeurs. 

X Xavier Dolan : jeune auteur talentueux, qui réalise à 20 ans J’ai tué ma mère, un récit en partie autobiographique portant sur la complexité des rapports mère-fils. Au menu, les premières amours d’un jeune gay québecquois dont il interprète lui-même le rôle, son outing (contrairement au coming out, qui est assumé et décidé, le outing est la révélation par un tiers) et les conflits qui s’ensuivent. Finalement, le protagoniste est mis au pensionnat comme on relègue l’homosexualité au placard ; c’est là qu’il prétendra que sa mère est morte, mise à mort symbolique à laquelle renvoie le titre du film. Cette première œuvre, tout comme sa 2e, Les amours imaginaires, visible il y a quelques mois encore dans les salles genevoises, a été sélectionnée au festival de Cannes.

Y Y : le chromosome Y contient des gènes qui provoquent le développement des testicules, déterminant le phénotype masculin– mais est-ce si simple?

Z schwartZ, Laure : cette étudiante en cinéma à la HEAD (anciennement école des Beaux-Arts) propose un ovni trans-galactico-canin-musical-maison de 11 minutes, qu’elle a réalisé dans sa 2e année d’études. Place aux jeunes !

et

Zut alors, je n’ai pas pu voir tous les films… On recommence l’année prochaine ?

Les lettres de l’alphabet célèbrent ainsi la diversité du genre humain. Elles rassemblent aussi : dans le H par exemple, d’Homosexuel, d’Hétérosexuel, et en fin de compte, d’Humain. Un festival pour la visibilité des homosexuel-l-e-s pour questionner, pour informer, pour se reconnaître sur grand écran et pour s’amuser. Pour ceux qui le perçoivent comme étant orienté uniquement vers la population LGBTIQ, Everybody’s Perfect pourrait répondre ces mots de la poétesse Audre Lorde : « Ce ne sont pas nos différences qui nous séparent. C’est notre incapacité à reconnaître, accepter, et célébrer ces différences. » Il ne manque finalement à ce programme que la projection de Certains l’aiment chaud ; on aimerait voir et revoir cette comédie à chaque réédition du festival.

Briana Berg

Liens:

www.everybodysperfect.ch

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 Petit lexique impertinent sur les variantes de l’amour et du genre au festival LGBTIQ de Genève

 

 

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