updated 5:17 PM CEST, Sep 28, 2016

Conseil fédéral, la régression

L’élection du Conseil fédéral a mis fin à un suspense qui n’en était pas un : deux femmes et cinq hommes y siègeront pour quatre ans soit un recul terrible pour la représentation des femmes en politique et un mauvais signal tant en Suisse qu’à l’étranger.

Et dire qu’on y croyait à cette élection du Conseil fédéral! On se voyait vivre un de ces grands moments de l’Histoire qui nous autoriserait à crâner plus tard : « J’y étais ! ». Où ça déjà ? Ah Berne… Ben oui, pas Washington, c’était peut-être Election day le 9 décembre mais les médias du monde entier ne faisaient pas le pied de grue devant le palais fédéral de la Bundesgasse. Pas même l’émiliE qui a préféré suivre l’événement en direct sur Twitter afin de mesurer l’enthousiasme des foules.

On n’a pas été déçu-e-s. Dès potron minet, on a pu suivre l’excitation qui régnait au Stamm de l’UDC à Genève où régnait « une ambiance de folie » d’après Julien de Weck, journaliste à la Tribune. L’image parle d’elle-même : trois fans les yeux rivés à la télé murale du bistrot, attablés devant leur ristretto et un pauvre croissant. Et si le hashtag de l’auteur #ParmelinForPresident résumait bien l’idée qu’on voulait se faire de l’élection, il manquait un je-ne-sais quoi de plus grand et plus fou peut-être.

 

Au fur et à mesure de l’avancée de la matinée et de la réélection des conseillers-ères sortant-e-s, les corps et les esprits s’échauffent, direction le Stamm de l’UDC Vaud à Berne. Fais soif, on sort le Dézaley et un drapeau suisse, faut ce qui faut c’est jour de fête et le champion de Bursins se rapproche de la ligne d’arrivée.

 

Le suspens devient difficilement tenable : un tour, deux tours, trois tours, yyyeeeessss ! Il l’a fait ! Guy Parmelin succède à Eveline Widmer-Schlumpf. Comme le résume Christophe Schenck de la RTS : « Est élu: un homme un peu fort avec une calvitie et un costard-cravate. On vous l'avait bien dit ».



Pendant ce temps, on faisait et refaisait nos calculs 2+5, non le compte n’y était pas. Deux   femmes, cinq hommes. C’est le visage du nouveau Conseil fédéral. A-t-on raté quelque chose ? Où sont les femmes ? Quid de la parité ? Quelle image donne ce gouvernement tant dans le pays qu’à l’international ? Veulent-ils passer pour des rétrogrades ? Parce que deux femmes au Conseil fédéral, ça nous renvoie en 1999 lorsque Ruth Dreifuss et Ruth Metzler en étaient. Faut-il rappeler qu’en 2003, il n’en restait plus qu’une, la socialiste Micheline Calmy-Rey qui avait succédé à Ruth Dreifuss en 2002. Quand on pense aux années 2010-2011, où elles étaient quatre à siéger, on mesure à quel point ces avancées sont fragiles. L’idée d’une stabilisation en inscrivant dans la loi le principe selon lequel les femmes doivent être représentées équitablement au sein des instances fédérales avait été balayée en 2000. En effet l’initiative lancée en 1993 suite à la non-élection de Christiane Brunner avait été recalée. Elle prévoyait notamment que chaque canton devrait élire une femme et un homme au Conseil des États, que le Conseil fédéral devrait être composé de trois femmes au minimum et que le Tribunal fédéral devrait compter au moins 40% de femmes en son sein. Non, mais tout d’un coup, tant d’égalité, ça deviendrait dur à vivre…

Du coup, on se contentera de Doris Leuthard et Simonetta Sommaruga. Deux, c’est tout. Pourtant si on compte bien, décidément ces chiffres, il y a plus de femmes en Suisse que d’hommes. Mais pour les représenter, les hommes sont là, majoritaires. Certain-e-s y trouvent à redire mais d’autres y compris des femmes jugent d’un bon œil l’élection de Guy Parmelin. Que penser de la réaction d’Adèle Thorens, co-présidente des Verts Suisse, qui déclare : « Comme Vaudoise, je ne vais pas bouder mon plaisir ». Les bras nous en sont tombés. Celle qui fustigeait violemment l’UDC dans une interview donnée au Temps en 2014, savoure la victoire de Guy Parmelin. La logique nous échappe. Mais c’est surtout la cuisine entre partis pour se mettre d’accord en coulisse sur l’heureux élu qui doit nous passer au-dessus. Petits problèmes de transparence dans les actes et de cohérence dans les discours. Néanmoins, l’ancienne chancelière Corina Casanova assurait hier devant ses petit-e-s camarades de l’assemblée « que vous êtes au service d'un des meilleurs systèmes politiques du monde ». Et ça, ça nous a rassuré-e-s.

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