updated 8:25 PM CEST, Apr 25, 2016

A quand le botox pour fillettes ?

GeoGirl, une marque américaine de cosmétiques vient de lancer une gamme

de soins et de maquillage anti-âge. Rien de bien extravagant dans la chose sauf que celle-ci s’adresse aux petites filles de 8 à 12 ans. Désormais disponibles sur les rayons des magasins Walmart, numéro un mondial de la grande distribution, vrais rouges à lèvres, mascaras, vernis et antirides (69 références en tout) pour des enfants qui ne piqueront plus les produits de leur maman. Parce que si jouer à être grand-e est plutôt logique quand on a entre 8 et 12 ans, lutter contre le vieillissement alors qu’on n’a pas l’ombre d’un bouton d’acné est inquiétant. Si imiter les grands aide à se construire, s’en approprier les névroses ne fait que brouiller les repères. Que réussit-on à transmettre à nos enfants finalement? Vieillir (donc grandir pour eux)  est affreux et nous rend nous-mêmes affreux. Y a qu’à voir… Soit on s’appelle Sharon Stone soit Ugly Betty. Le constat est très clair : les petites filles ont bien intégré les injonctions normatives du «Sois belle et tais-toi» et du «Il faut souffrir pour être belle». 

Stilettos taille 29
Et toute cette beauté pour quoi faire ? Mais pour séduire, bien sûr. Pas une minute à perdre, il s’agit de travailler le sujet. Les pauvres qui étaient déjà vêtues de rose dès la sortie du ventre de leur mère, histoire qu’on ne les confondît pas avec les garçons, selon une dynamique de sexuation de plus en plus précoce, entrent grâce à ce maquillage conçu pour elles dans un processus d’hypersexualisation. Les pages people de nos magazines nous rappellent régulièrement que les enfants de stars s’habillent avec telle ou telle marque, que la petite Suri Cruise porte des talons depuis ses 3 ans et que d’ailleurs Gap propose des chaussures à talons taille 29, on en passe et des meilleures !

100% écolos
Dans quel monde vivons-nous ? Le nôtre sans nul doute, pétri de nos angoisses métaphysiques, recyclées méthodiquement en marché porteur par nos vaillant-e-s travailleurs et travailleuses du marketing. Pour donner une vague idée de celui de GeoGirl, il est estimé à deux billions de dollars (soit 2’000 millions de dollars, donc beaucoup d’argent). Tout à coup, on comprend mieux l’urgente nécessité de lancer du maquillage anti-âge destiné aux petites filles. Ce sont bien sûr les parents qui vont acheter ces produits, d’autant plus qu’ils sont sans paraben ni sulfate et que les emballages sont entièrement recyclables, donc 100% écologiques. Nous voilà rassuré-e-s et prêt-e-s à acheter. C’est pourtant ce label environnemental qui va être déterminant en tant que déclencheur de l’acte d’achat, toujours selon le marketing de GeoGirl. Désormais première cause occidentale, l’écologie ouvre en effet de larges perspectives en termes de marchés.

Libérez-vous
Jusqu’où irons-nous pour repousser les limites du temps ?  Pour que nos enfants aient encore l’air d’être nos enfants et pas nos frères et sœurs, il faudrait déjà grandir nous-mêmes et ne plus fantasmer notre jeunesse, il faudrait résister aux sirènes du marketing et refuser que les marques soient des repères dans notre histoire. A quand la libération ?

Nathalie Brochard