updated 8:25 PM CEST, Apr 25, 2016

ailleurs

Salope!, l'expo

L’Université Libre de Belgique vient de proposer une exposition consacrée au mot « Salope ! ». Chargé de sens divers, il recouvre une histoire des pratiques sociales, culturelles et des représentations, des fantasmes centrés autour de la violence verbale sexiste. De Marie-Antoinette à Christiane Taubira, huit femmes qui ont cristallisé cette violence ont été ainsi choisies par les artistes pour traduire un sexisme enraciné et dévastateur. Le Cercle féministe de l’ULB nous a servi de guide.

À travers le mot salope, l’exposition retrace une certaine vision de l’histoire des femmes et des représentations qui leur sont traditionnellement attachées, de la maman à la putain, de l’amazone à la Femen, de Gervaise à Nabila, de Marie-Antoinette à Margaret Thatcher. Au cœur de ce projet, il  y a l’idée de questionner les stéréotypes liés au sexe, à la classe et à la race préalables à la formation des insultes mais également de comprendre comment une parole violente, agressive circule et est distribuée ou détournée dans une société. Pour Charlotte Casier, présidente du Cercle féministe de l’ULB, la démarche a le mérite « de mettre en lumière une forme de violence (verbale) sur les femmes dont peu de personne saisissent l'ampleur et ainsi sensibiliser les visiteurs-euses sur le sexisme ambiant ».

L’insulte comme baromètre des normes acceptables en vigueur dans une société est ainsi expliquée au public : d’un point de vue scientifique (sous la forme d’installations reprenant des listes d’insultes et de panneaux historiques sur certains évènements marquants liés à l’histoire des femmes et de leurs prises de paroles publiques) ; selon une approche éducative avec un parcours pour comprendre les mécanismes psychiques et sociaux qui président à l’insulte ; et enfin du point de vue d’artistes et plasticiennes interrogeront en miroir, en transgression, en réponse les questions de la violence, du féminin et des tabous. Klara Berteaux, du Cercle féministe de l’ULB a apprécié le travail de ces « artistes qui interrogeaient la féminité, surtout (au travers) de mises en scène d'homme dans des postures stéréotypées féminines » qui selon elle « a apparemment beaucoup choqué des étudiants de secondaire ». Quant au choix de Nabila, Klara Berteaux le trouve courageux.

Autre initiative marquante de l’expo, « ce mur sur lequel on pouvait inscrire les insultes qu'on a déjà reçues était très intéressant », comme le souligne encore Klara Berteaux qui estime « qu'il permettait un petit défoulement et de se décharger de quelque chose de pas si léger que ça en fait ». Une autre installation a retenu son attention, le lit en plumes de céramique blanche qui selon son avis « apportait beaucoup de profondeur car le lit c’est l'intime, les relations, les chagrins, avant on accouchait dans son lit, là où on rêve et cauchemarde… et puis la robe faite de cheveux était terrible aussi : finalement les cheveux d'une femme font partie de sa féminité, la robe aussi, alors fusionner les deux, selon moi c'est du génie ».

Les femmes peuvent-elles se réapproprier l’insulte ? Peuvent-elles la détourner ? Pour Charlotte Casier, « ce n’était pas vraiment l'objectif de l'exposition, il s'agissait plutôt de déconstruire ces propos. Après, ça n'empêche pas que l'expo peut amener certaines femmes à revendiquer cette insulte par la suite ». Installer ce type d’exposition au cœur d’un campus est stratégique car il permet de viser un public encore jeune aux ravages de la violence des discours sexistes. Il ne reste qu’à souhaiter que ce genre d’initiative se dissémine un peu partout.


  • Écrit par Nathalie Brochard

Canada, la "tragédie nationale"

A peine élu, le Premier ministre canadien Justin Trudeau ordonne une enquête nationale pour élucider les meurtres et disparitions de plus d’un millier de femmes autochtones survenus ces dernières années. Celles-ci constituent 4% des femmes et 16% des femmes assassinées au Canada. Familles et associations reprennent espoir.

C’était une promesse de campagne mais en tant que telle, rien n’était moins sûr qu’elle fut appliquée en cas de victoire aux élections. Pourtant Justin Trudeau vient d’annoncer que l’enquête réclamée depuis des années par les familles de disparues ou tuées allait voir le jour. Symboliquement, c’est devant l'Assemblée des Premières Nations, l’organisation nationale de défense des intérêts qui représente les citoyen-ne-s des 634 communautés (ou réserves) soit plus de 900 000 personnes, que le Premier ministre a choisi de s’exprimer. Le terme « Premières Nations » désigne l'un des trois groupes distincts reconnus en tant qu'« autochtone » dans la Loi constitutionnelle de 1982. Les deux autres groupes « autochtones » sont les Métis et les Inuits.

Ainsi l’enquête s’articulera en deux phases : d’abord une phase dite de conception de deux mois à l'écoute des familles des disparues ou assassinées, élargie ensuite aux organisations autochtones, puis dans un second temps une commission d'enquête à proprement parler devrait être active dès le printemps 2016. Rompant avec la fin de non-recevoir du gouvernement conservateur précédent de Stephen Harper, qui estimait que les enquêtes policières en cours étaient suffisantes, le nouvel exécutif en place octroie plus de moyens à la justice et la police pour enfin donner des réponses aux familles. « Cette enquête est une priorité de notre gouvernement, parce que celles qui ont été victimes de cette tragédie nationale ont attendu assez longtemps. Les victimes méritent qu’on leur fasse justice et leurs familles ont une opportunité de guérir et de se faire entendre » a déclaré Justin Trudeau.

« Tragédie nationale » est le terme désormais employé pour qualifier ces meurtres et disparitions de femmes. La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, demande qu’on y apporte une « réponse nationale ». Ce gouvernement qui s’engage a une obligation de résultats. Ce qu’ espérent au minimum les féministes c’est qu’une explication soit trouvée sur les causes de cette violence faite aux femmes autochtones.

Photo DR

  • Écrit par Nathalie Brochard

« Elle a tué pour ne pas mourir »

Condamnée en première instance à une peine de dix ans de prison pour l’assassinat de son mari, Jacqueline Sauvage qui a vécu pendant quarante-sept ans auprès de cet homme violent, est devenue une sombre référence en France. Son récit glaçant avait rappelé à quel point la famille pouvait être un lieu d’extrême violence. Jugée en appel, cette femme de 66 ans, soutenue par ses filles, elles-mêmes victimes de leur père et par de nombreuses féministes, est défendue par deux avocates spécialistes des violences conjugales qui veulent faire de ce nouveau procès un symbole. 

Cette femme « qui a appris à avoir les yeux secs » selon les mots de son avocat d’alors a vécu un enfer pendant près d’un demi-siècle. Et si elle n’a pas convaincu les jurés en octobre 2014 peut-être en raison de son apparente froideur, elle espère obtenir un verdict plus clément en appel. Ses filles, elles aussi victimes de la violence paternelle (deux d’entre elles ont été violées et la troisième a subi des attouchements) avaient estimé que la peine de dix ans de prison infligée à leur mère constituait « une nouvelle injustice ». Pourtant au regard du code pénal français, elle risquait la perpétuité pour le meurtre de son mari.

Les associations de défense des femmes ont vu dans ce verdict un message d’impunité donné aux conjoints violents. Face à ce genre de décision, elles militent pour une redéfinition de la légitime défense afin que les femmes victimes de violence conjugales puissent bénéficier de la présomption comme c’est le cas au Canada. En France, la légitime défense ne s’applique pas lorsqu’une femme se fait attaquer quotidiennement au sein de son propre foyer. Elle encaisse jusqu’au jour où elle porte un coup d’arrêt à ses années de souffrance. Et le nombre de femmes battues qui tuent leur mari chaque année est plus élevé qu’on ne pense. Elles seraient une dizaine en France. Les associations ont beau réclamer une meilleure formation des policiers, des magistrat-e-s et des professionnel-le-s de la santé, chaque année ces drames se répètent.

On se souvient pourtant du verdict de la cour d'assises du Nord qui avait suivi les réquisitions jugées atypiques de l'avocat général et avait acquitté Alexandra Lange, une femme victime qui avait tué son mari, en 2009 lors d'une dispute conjugale. A l’issue du procès, ses avocates, Mes Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini, avaient estimé que l'arrêt de la cour "marquerait" et qu’il servirait « le combat contre les violences faites aux femmes ». Ce sont elles qui défendent Jacqueline Sauvage en appel. Pour Me Bonaggiunta , « elle a tué pour ne pas mourir » et l’avocate plaidera « l'instinct de survie ».

  • Écrit par Nathalie Brochard

Plus d'articles...

  1. La fin de la taxe tampon?
  2. Quatre femmes tuées en 48 heures
  3. Est-ce un viol?
  4. Action sanglante sur l'assangblée
  5. A la racine des extensions
  6. Youyou Tu enfin prix Nobel
  7. Les sages-femmes et l'IVG médicamenteuse
  8. L'hommage à Lelaah Alcorn détourné
  9. Les femmes prennent la route !
  10. En Inde, des tutos beauté face à l'acide
  11. Mx, le neutre entre dans le dictionnaire
  12. La rue est à nous!
  13. Les excuses du bon Dr Dre
  14. Macho man, l'ADN républicain
  15. Un hors-série qui compte
  16. Guillaume Tell sifflé à Londres
  17. Un gag, selon Rémi Gaillard
  18. Deux indignées aux commandes
  19. Le vagin de la reine
  20. Le viol, crime d'Etat
  21. USA: 40% des jeunes SDF sont LGBT
  22. Bikinis contre sexisme
  23. Harcèlement, le rapport qui fait mal
  24. Féministes contre punks antifas de Viol
  25. Lueur d'espoir au Forum social mondial
  26. Bras de fer entre Preciado et le Macba
  27. Not there invisibilise les femmes
  28. Ne dites pas "lesbienne"
  29. Un discours féministe aux Oscars
  30. Abolir l'impôt sur les tampons
  31. Des féministes bloquent Londres
  32. Uber et la sécurité des passagères
  33. Le Sun arrête les gros seins
  34. Une fresque au CHU fait polémique
  35. Prêtres pédophiles, la faute aux féministes
  36. Interdit de conduire en Russie
  37. Leçon dégalité à Junior Masterchef
  38. USA: Violences sexuelles sur les campus
  39. La vie de palace
  40. A Madrid, le porno sauve le théâtre
  41. Pas de maquillage au volant
  42. Le zoo humain d'Exhibit B
  43. La logique capitaliste des stérilisations
  44. L'Allemagne redéfinit la notion de viol
  45. D'ex-otages de Boko Haram témoignent
  46. Gay donc pas sexiste...
  47. Apple/Facebook: Congelez vos ovocytes
  48. Paris: opération propreté
  49. En prison pour un match de volley
  50. Jeunes filles kurdes en uniforme
  51. Suède: l'échec des féministes
  52. Trierweiler, on a encore rien vu
  53. La ségrégation légalisée en Espagne
  54. Une femme décroche la médaille Fields
  55. Elle s'appelait Andrea
  56. Les ABCD de l'égalité, c'est fini
  57. Gender shoot voit grand
  58. Les toilettes des femmes
  59. Une carte fidélité PMA avec la SNCF?
  60. Vendues pour 12 dollars
  61. Game of thrones: le viol qui fait scandale
  62. Abortiontravel, avortement inclus
  63. ADN. Et les droits des hommes?
  64. Les Afghanes face à leur destin
  65. Ces femmes qui "méritent" d'être violées
  66. Preciado, Almodovar et Colom
  67. Ecolos sexistes?
  68. Ceci est le corps d'une femme
  69. Mon corps® est propriété privée
  70. Obésité, la faute aux féministes
  71. Antoinette Fouque, décès et controverse
  72. Tomboy contre Civitas
  73. France: la fin de l'ABCD de l'égalité?
  74. Avortement: le train de la liberté
  75. L'exemple allemand
  76. Espagne: le calvaire pour avorter
  77. Cinéma, un label non-sexiste
  78. La lapidation rétablie en Afghanistan?
  79. Le rebranding du féminisme
  80. France: le manifeste des 343 salauds
  81. Au nom de l'amour
  82. Jihad sexuel en Syrie
  83. Oseille et préjugés
  84. Masanjia, camp de travail pour femmes
  85. Abercrombie n'aime pas les femmes
  86. Bonnes soeurs féministes radicales
  87. Pip show marseillais
  88. 20ème: Tenon bon
  89. Viols en Inde, jusqu'à quand?
  90. Sauvons les potiches italiennes!
  91. « Je veux juste être Pinar Selek »
  92. "Le conte de fée d'une mocheté"
  93. GI Josette
  94. "La palme de la misogynie beauf"
  95. Inde: le procès de la honte
  96. Despentes, raide pour Jospin
  97. Etudiantes à Tunis
  98. Cachez ce sexe...
  99. Justice!
  100. Soulagement en Tunisie
  101. Des attaques loin d’être virtuelles
  102. Femmes parias au Tchad
  103. Quelle parité?
  104. Nouvelle révolte saoudienne
  105. Etats-Unis: la guerre anti-femmes a lieu
  106. A l’origine de la lutte, deux femmes
  107. Le manifeste avant le second tour
  108. A New York, unies pour leurs droits
  109. La nudité contre le voile?
  110. Décès d'Adrienne Rich
  111. Preciado et Sepulveda à Genève
  112. Ministre de la femme et porno
  113. Crise humanitaire en Grèce
  114. The Untitled Feminist Show à New York
  115. France: le Pacte pour l'Egalité
  116. Israël: flash mob anti-ultras
  117. Elle se vend par "amour"
  118. A quoi ressemble une féministe ?
  119. Dépénalisation de la violence conjugale
  120. Lybiennes: du code vert à la charia
  121. L'art d'accoucher
  122. Droit de vote aux Saoudiennes … en 2015
  123. Je devais aider
  124. Ça devait être comme ça, le Vietnam
  125. Ma main est tombée sur une jambe
  126. Ces héroïnes oubliées
  127. Conductrices à contre-sens?
  128. Un DSK isolé?
  129. DSK: le fantasme de la soubrette
  130. A quand le botox pour fillettes ?
  131. Femme, brésilienne et chanteuse
  132. Nichi, l'anti-Berlusconi
  133. Sumangalis et fashionistas