Despentes, raide pour Jospin
- Écrit par Nathalie Brochard
Tout le monde s'y met: il y a eu le baiser de deux hétéros à Marseille au milieu d'une manif anti-mariage pour tous dont la photo a fait le tour du monde, la célébration symbolique du mariage de deux élues vertes, hétéros elles aussi, en fait, il y a eu bon nombre d'initiatives spontanées de ce type partout en France. Mais il y a eu également les propos inadmissibles du jeune Dassault, sénateur UMP, qui a estimé sur France Culture le 6 novembre dernier que l'homosexualité en Grèce antique est «une des raisons de sa décadence» et que la légalisation du mariage homosexuel empêcherait le renouvellement de la population. Plus récemment, le 9 novembre, sur le plateau du Grand Journal de Canal+, c'est Lionel Jospin qui s'oublie et dérape passablement en exprimant des réserves sur le projet de Mariage pour tous. Pour lui, "c'est la position de mon parti, et donc je la respecte. Ce n'était pas la mienne au départ. Ce que je pense c'est que l'idée fondamentale doit rester, pour le mariage, pour les couples et pour la vie en général, que l'humanité est structurée entre hommes et femmes". Etonnant de la part du promoteur du PACS, mais c'est peut-être la raison pour laquelle, les socialistes n'avaient pas franchi le pas à l'époque: le PACS est déjà bien suffisant pour cette sous-catégorie citoyenne, l'égalité avec les hétéros? Pour quoi faire?
C'est là que Virginie Despentes, auteure et réalisatrice post-punk (ou vraiment punk, s'il faut encore mettre une étiquette) entre dans la mêlée: dans une tribune absolument nécessaire et très argumentée, publié par Tétue, elle répond au politicien socialiste égaré. Elle explique : "Au départ, cette histoire de mariage, j'en avais moitié rien à faire - mais à force de les entendre, tous, sans homophobie, nous rappeler qu'on ne vaut pas ce que vaut un hétéro, ça commence à m'intéresser". Le couplet de Jospin sur l'humanité lui est visiblement restée en travers de la gorge, elle précise: "Je m'étais déjà dit que je ne me voyais pas «femme» comme le sont les «femmes» qui couchent gratos avec des mecs comme lui, mais jusqu'à cette déclaration, je n'avais pas encore pensé à ne plus me définir comme faisant partie de l'humanité. Ça va me prendre un moment avant de m'y faire. C'est parce que je suis devenue lesbienne trop tard, probablement. Je ne suis pas encore habituée à ce qu'on me remette à ma place toutes les cinq minutes. Ma nouvelle place, celle des tolérés".
On ne peut que conseiller une lecture exhaustive du texte de Virginie Despentes qui donne un son un peu plus rock'n'roll au concert du grand orchestre homophobique. Que les transféministes et tous les gens qui veulent vraiment la justice fassent eux aussi entendre leur voix! Oï!
http://www.tetu.com/actualites/france/virginie-despentes-repond-a-lionel-jospin-et-aux-anti-mariage-pour-tous-22503