Espagne: le calvaire pour avorter
- Écrit par Nathalie Brochard
Le projet de loi sur l'avortement approuvé la veille de Noël par le Conseil des ministres en Espagne est un coup dur porté aux femmes : l'avortement cesse d'être un droit et ne sera autorisé qu'en cas de viol et de danger avéré pour la vie de la femme. On passe d'un régime de délai à un régime d'exception. En dehors de ces maigres exceptions donc, l'avortement devient un délit. Les femmes perdent tout pouvoir de décision sur leur propre corps, un retour en arrière voulu par les milieux conservateurs et catholiques, qui jugent encore cette loi trop timide. Concrètement pour une femme, avorter devient un parcours du combattant sur lequel l'émiliE a décidé de se pencher.
Etape 1: le gynécologue. La femme doit voir un gynécologue et dire qu'elle souhaite avorter. S'il existe un risque psychique pour sa santé (seul risque invocable dans la grande majorité des cas de grossesse), le médecin la dirige vers un psychiatre.
Etape 2: le psychiatre. Celui-ci va déterminer si cette grossesse présente un risque de "dommage important" et "durable" pour sa santé. Il signe l'attestation.
Etape 3: le second psychiatre. La femme doit consulter un autre psychiatre qui devra confirmer le diagnostic du premier et signer à son tour l'attestation.
Etape 4: l'information. Un des deux psychiatres devra informer la patiente de manière "personnelle, individuelle et verbale" des dangers d'un avortement sur sa santé et ses grossesses futures et des conséquences psychologiques. A l'issue de ces explications, le médecin délivre un certificat.
Etape 5: le conseil. Munie de ces précieux sésames (les deux attestations médicales et le certificat), la femme est redirigée par son médecin vers les services sociaux ou les centres de santé. Ce nouveau rendez-vous est destiné à lui offrir un conseil complet sur sa situation. A cette occasion, elle sera informée sur le fait que "la vie d'un foetus est un bien juridique protégé par la Constitution" et sera aidée dans la résolution des conflits relationnels qui seraient à l'origine de son désir d'avorter.
Etape 6: la réflexion. Une fois ce processus de conseil terminé, les services sociaux apposent une date à partir de laquelle la femme dispose de sept jours pour dire si elle a toujours envie d'avorter.
Si la femme est mineure, toutes ces démarches s'en trouvent compliquées et rallongées.
Un tel cadre ressemble à celui qui régissait le ventre des femmes au XXe siècle, c'est-à-dire à la préhistoire. Les Espagnoles s'accrochent aux exceptions prévues par la loi, sauf que la loi distingue entre les incapacités, qui ne pourront pas être invoquées comme motif, et une liste de malformations du foetus. A titre d'exemple, la trisomie 21 ne peut justifier un avortement. Dans cette loi, tout est fait pour empêcher la femme d'avorter. Tout est verrouillé, l'accès est fermé.
Pour ce qui nous concerne directement et à la veille de la votation du 9 février prochain, les citoyen-ne-s suisses ne doivent pas oublier que des pays à l'avant-garde des droits humains peuvent s'enfermer dans l'obscurantisme le plus complet. Votez!
Photo, graffiti en Catalogne pour l'avortement libre et gratuit (si nous ne pouvons pas décider, nous ne sommes pas libres)