D'ex-otages de Boko Haram témoignent
- Écrit par Nathalie Brochard
Dans un nouveau rapport publié le 27 octobre dernier, l’ONG Human Rights Watch s’appuie sur des entretiens avec plus de 46 témoins et victimes d’enlèvements commis par Boko Haram dans les États de Borno, Yobe et Adamawa au Nigéria pour dénoncer les mariages et conversions forcés, les viols, et l’envoi de femmes et de jeunes filles sur la ligne de front. La publication de ce rapport intervient au moment où de nouveaux enlèvements d’adolescent-e-s et de femmes ont eu lieu, mettant un terme à l’illusion de la libération des 219 lycéennes enlevées à Chibok en avril et toujours aux mains des islamistes.
Le rapport de 63 pages, intitulé «Those Terrible Weeks in Their Camp: Boko Haram Violence against Women and Girls in Northeast Nigeria» («Ces semaines horribles passées dans leur camp: Les violences de Boko Haram contre les femmes et les filles dans le nord-est du Nigeria», ndlr) dévoile les violences subies par ces femmes durant leur captivité. Parmi ces victimes figurent douze jeunes filles qui faisaient partie du groupe de 276 filles de l’école de Chibok et qui ont réussi à s’échapper. Elles disent avoir cohabité avec de nombreuses autres personnes de sexe féminin âgées de zéro à soixante-cinq ans, sans savoir si toutes étaient otages. Une des ex-otages de Chibok dit avoir été forcée à cuisiner et à nettoyer pour d'autres femmes qui avaient droit à un traitement de faveur "à cause de leur beauté". Plusieurs femmes racontent avoir été frappées jusqu'à ce qu'elles acceptent de se convertir à l'islam. Une autre, âgée de 15 ans, raconte que lorsqu'elle s'est plainte à ses geôliers d'être trop jeune pour se marier, un des commandants lui a dit que sa fille de 5 ans avait été mariée l'année précédente...
Dans le rapport de Human Rights Watch, une jeune fille de 19 ans dit elle avoir été forcée à participer à des attaques islamistes. "On m'a demandé de porter les munitions et de m'allonger dans l'herbe pendant qu'ils se battaient. Ils venaient s'approvisionner en munitions, au cours de la journée, alors que les combats se poursuivaient", a-t-elle expliqué. "Quand les forces de sécurité sont arrivées sur place et qu'elles se sont mises à tirer, je suis tombée par terre, de peur. Les insurgés m'ont alors traînée sur le sol, en s'enfuyant vers le camp. Elle raconte avoir aussi reçu l'ordre d'égorger un des membres d'une milice privée capturé par Boko Haram, à l'aide d'un couteau :"Je tremblais, horrifiée, et je n'ai pas pu le faire. La femme du chef du camp a alors pris le couteau et elle l'a tué".
Les témoignages de toutes ces femmes mais également de travailleurs sociaux, membres d’organisations non gouvernementales nigérianes et internationales, diplomates, journalistes, chefs religieux et représentants des gouvernements fédéral et des États interrogés par Human Rights Watch laissent entendre que le gouvernement nigérian n’a pas protégé de manière adéquate les femmes et les filles de nombreux abus, ne leur a pas apporté de soutien efficace ni de soins médicaux et psychologiques après leur captivité, n’a pas garanti l’accès à des écoles bénéficiant de conditions sécuritaires adaptées, ou n’a pas mené d’enquêtes et poursuivi en justice les auteurs de ces abus. Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch estime que «la tragédie de Chibok et la campagne #BringBackOurGirls ont attiré une attention internationale indispensable sur la vulnérabilité terrifiante des filles dans le nord-est du Nigéria». Il poursuit en disant que «maintenant le gouvernement nigérian et ses alliés doivent intensifier leurs efforts pour mettre un terme à ces enlèvements violents et apporter une aide médicale, psychologique et sociale aux femmes et filles qui ont réussi à s’échapper.»
Photo © Human Rights Watch