updated 8:25 PM CEST, Apr 25, 2016

A l’origine de la lutte, deux femmes

Une connexion Internet, beaucoup de volonté et 55 manifestations pour dire «trop c’est trop».

Plus de 47'000 personnes ont manifesté dans 55 villes des Etats-Unis samedi 28 avril pour défendre les droits des femmes. Desiree Jordan, qui réside à New York, et Karen Teegarden, qui habite dans le Michigan ont lancé ce mouvement citoyen national via Facebook. Un millier de bénévoles ont ensuite supervisé l’organisation localement, avec le soutien d’organisations féministes, notamment le National organization for women (NOW) et le Labor Union Women. Difficultés pour obtenir les autorisations à manifester, pour assurer chaque événement, pour louer des toilettes portatives, les estrades, la sono… Ces citoyennes ne savaient pas vraiment dans quoi elles se lançaient, mais elles l’ont fait.

 

l’émiliE : Comment est né «Unite against the war on women» ?

Desiree Jordan : Lorsque Rush Limbaugh a traité Sandra Fluke de salope, c’est comme s’il m’avait insultée moi. Et lorsque la Chambre des représentants l’a privée de parole, c’est comme s’ils m’avaient privée de parole aussi. Les cinq hommes qui ont été les seules personnes invitées à débattre sur le droit à la prise en charge de la contraception auraient dû s’élever contre cette absurdité. Si j’étais allée me coucher sans rien faire ce soir-là, je n’aurais pas valu mieux qu’eux.

Karen Teegarden : Avec Desiree, on se téléphone quand on est énervées, essentiellement à propos de politique, et on discute. Alors comme d’habitude, on s’est appelées au moment de l’histoire de Sandra Fluke. Les médias traitaient cette histoire comme si c’était banal, et c’était juste après la proposition de loi en Oklahoma qui envisageait de considérer l’embryon comme une personne, dès la fécondation, et juste après que la loi sur l’échographie transvaginale soit passée en Virginie, et que les candidats républicains aient remis en cause le droit à la contraception. Cette fois-ci, on s’est dit «trop c’est trop». On n’arrivait pas à croire que personne ne se mobilise, que les gens ne soient pas déjà dans la rue. Alors on s’est dit qu’on allait le faire. Et le seul moyen auquel on ait pensé, c’était de créer un événement Facebook.

 

l’émiliE : Êtes-vous satisfaites de la mobilisation que vous avez su créer ?

Desiree Jordan : Dès le lendemain, 500 personnes s’étaient inscrites à l’événement Facebook. C’est là qu’on s’est dit «oh oh…», il va falloir assurer !

Karen Teegarden : 47'000 personnes, c’est pas mal, mais ce n’est pas non plus exceptionnel, ça ne reflète pas la colère qui, nous le savons, est très importante. Mais on a organisé ça en dix semaines, sans être adossées à une association, c’était la première fois qu’on organisait une manifestation, on n’avait aucun budget pour faire de la pub, donc on est contentes, et ce n’est que le commencement.

 

l’émiliE : Quel est le futur de «Unite against the war on women» ?

Karen Teegarden : On va essayer d’éduquer les gens, d’expliciter les lois dans un langage simple, et détailler les conséquences concrètes de chaque loi proposée en matière de contraception, d’avortement, d’égalité salariale, etc. Sans soutenir aucun des candidats, on aidera également les électeurs à faire un choix qui prenne en compte les droits de la femme, en détaillant ce que chaque législateur a voté, et les déclarations qu’il ou elle a faites en faveur des femmes ou contre celles-ci. Certains démocrates ont voté contre les droits des femmes, nous voulons que ça se sache. On a également créé une pétition dans laquelle les signataires s’engagent à utiliser leur vote pour protéger les droits des femmes.

 

l’émiliE : Vous considérez-vous féministes ?

Karen Teegarden : Oui, assurément. Mais pas dans le sens négatif de «contre les hommes». Je vis depuis 23 ans avec un homme qui croit en ce que nous faisons et nous soutient. Un quart des personnes qui nous ont aidées à organiser la marche étaient des hommes. Nous pensons que le combat pour le droit des femmes est une facette du combat pour les droits de l’homme.

 

Signer la pétition: http://www.change.org/petitions/protect-women-s-rights-or-else

 

Photo: © Christelle Gérand,  Desiree Jordan, lors de la marche "Unite against the war on women" à New York.