updated 8:25 PM CEST, Apr 25, 2016

L'art d'accoucher

L'artiste-performeuse Marni Kotak s'apprête à accoucher en public dans une galerie d'art new-yorkaise, la Microscope Gallery. Intitulée "The Birth of Baby X", la performance interroge la création dans tous les sens du terme. A ses détracteurs qui crient à la provocation, elle répond vérité, honnêteté et réalisme. Retour sur une oeuvre pour le moins étonnante.

Transformer une galerie d'art en salle d'accouchement, personne n'y avait encore songé. Marni Kotak a pourtant investi la salle de travail pour mettre au monde son enfant... et son oeuvre. Il ne lui reste que cinq semaines avant le terme, du coup elle s'est installée sur place et a refait la déco : pas de murs blancs, pas d'oeuvres à la signification ésotérique, rien de ce qui constitue d'ordinaire un espace d'art contemporain. L'artiste et future parturiente a amené le lit de sa grand-mère, une table de chevet, un couffin pour l'enfant, elle a mis du papier peint, bref, elle s'est arrangé un petit coin cosy pour créer en paix. Les visiteurs peuvent déjà venir et découvrir l'échographie du bébé ou des projections d'images sur son ventre rebondi, et aussi laisser leurs coordonnées pour être prévenus des premières contractions. Le grand jour, son mari, une sage-femme et des amis seront avec elle pour la soutenir.

Ce projet fait partie d'une intention plus vaste. L'artiste travaille depuis des années autour de sa vie privée : elle a reconstitué l'enterrement de son grand-père ou son premier rapport sexuel lors de performances plus vraies que télé-réalité. Elle explique que "la vie elle-même est la plus grande oeuvre d'art". Elle souhaite, après la naissance de son bébé, que l'expérience se poursuive à travers un travail appelé "Raising baby X" qui vise à exposer au public la vie de l'enfant jusqu'à ce qu'il ait l'âge d'entrer à l'université. Son galeriste traduit sa démarche par une "recontextualisation de l'acte quotidien d'élever un enfant à travers un travail de performance artistique".

Déjà des associations d'obédience moins avant-gardiste ont jugé obscène un tel projet, d'autres le trouvent dangereux et puis il y a ceux qui dénoncent une utilisation de l'enfant. Marni Kotak semble avoir réponse à tout puisqu'elle estime que s'exposer sur Facebook est bien plus indécent et qu'elle est entourée d'une sage-femme professionnelle. Les différentes réactions posent encore une fois la question du corps de la femme. Lui appartient-il enfin ? Ce pouvoir de mettre au monde en est-il vraiment un ? Doit-elle suivre tel ou tel mode d'emploi pour un accouchement 100% réussi ou toute autre injonction variable selon les époques, selon l'influence et le poids des institutions (corps médical, religion, Etat, famille...). Les réactions suscitées indiquent à Marni Kotak au cas où elle ne l'aurait pas remarqué qu'elle a dépassé les bornes des normes admises par nos sociétés, ce qui pour une artiste est un minimum.

 

© Marni Kotak