Oseille et préjugés
- Écrit par Nathalie Brochard
Un deuxième homme a été arrêté dans le nord de l'Angleterre pour avoir menacé de mort et de viol sur Twitter l'activiste féministe Caroline Criado-Perez, la députée travailliste Stella Creasy et plusieurs journalistes. Le patron anglais du réseau social Tony Wang s'est fendu d'excuses publiques s'engageant à lutter fermement contre le harcèlement et les injures sexistes partagés en toute impunité entre internautes. Ce cas continue néanmoins à faire la une des journaux d'outre-Manche.
Pourquoi cette jeune femme a-t-elle subi un déluge d'insultes et des menaces visant son intégrité physique ? Principalement parce qu'elle a lancé une campagne contre l'idée de la Banque d'Angleterre qui allait retirer du billet de 5£ Elizabeth Fry, philanthrope à l'origine de réformes dans les prisons britanniques au XIXe siècle, en la remplaçant par Winston Churchill. Caroline Criado-Perez a d'abord lancé une pétition intitulée "Bank of England: Keep a Woman on English Banknotes" et a ensuite milité pour que l'écrivaine Jane Austen puisse apparaître elle aussi sur des billets. La presse anglaise a largement couvert la bataille entre David et Goliath et au final, les prochains billets de 10£ arboreront le portrait de Jane Austen tandis que ceux de 5£ celui de Winston Churchill.
Cette soudaine visibilité a focalisé les sexistes de tous poils sur la personne de Caroline Criado-Perez qui ont alors laissé libre cours à la haine ordinaire. Celle qui a créé le women's room, vaste base de données rassemblant les expert-e-s les plus pointu-e-s en matière de féminisme, qui permet notamment aux médias de solliciter l'intervenant-e la/le plus approprié-e pour un sujet donné, atteint-elle le but qu'elle s'était fixé ? A savoir obtenir une meilleure représentation des femmes dans les médias et proposer une expertise sur les rapports sociaux de sexe ? Ou bien n'est-elle que la énième victime de ces relations dominants-dominé-e-s justement ? Même si elle s'est dit horrifiée par toute cette violence, elle retient les aspects positifs de son action. Elle sait aussi que la lutte sur les réseaux sociaux ne fait que commencer et qu'il ne faut pas laisser les discours sexistes, homophobes et racistes occuper le terrain.