20ème: Tenon bon
- Écrit par Nathalie Brochard
En France, la période est houleuse sur le front social. Une nouvelle droite composée de conservateurs traditionalistes et d’éléments radicaux, principalement intégristes catholiques et extrêmistes de droite, profite des débats parlementaires autour de la loi Taubira pour occuper le terrain et radicaliser le mouvement anti-mariage pour tous. L’attitude des élu-e-s, qu’ils soient de droite ou de gauche, brille par leur retenue : les condamnations devant les actes de violence homophobes, les prières de rue illégales, les agressions de journalistes ou autres sit-in non autorisés sont rares et quand elles sont, elles se font du bout des lèvres. Pourquoi ? Y aurait-il une convergence tacite entre parlementaires sur un retour à l’ordre moral que la France, fille aînée de l’Eglise, appellerait de tous ses voeux? Comment des mouvements dormants comme Civitas ou le GUD occupent-ils, tout à coup, le devant de la scène ?
En réalité, ils ont toujours fonctionné, se rassemblant sur des thématiques moins médiatiques que le Mariage pour tous : ainsi l’institut Civitas via sa branche junior, France-Jeunesse-Civitas participe depuis des années aux actions contre les centres IVG des hôpitaux aux côtés d’associations comme SOS tout-petits. Peut-on encore s’étonner que les femmes et les minorités soient les cibles privilégiées de ces pourfendeurs de «gauchistes assassins et sodomites» selon leur rhétorique idéologique ?
Un collectif parisien du XXème arrondissement est aux avant-postes depuis des années et fait front pour que reste en activité le centre IVG de l’hôpital Tenon. Chaque mois, les catholiques intégristes et la droite extrême se donnent rendez-vous devant l’hôpital pour prier et manifester violemment. Les habitant-e-s du quartier sont excédé-e-s. Face aux slogans pseudo-subversifs empruntés à une gauche que pourtant ils exècrent, le collectif a le sien : «Tenon bon». Depuis plusieurs années, les militant-e-s tiennent bon et les femmes ont accès tant bien que mal aux services du centre. l’émiliE a interviewé Marie Josée Pépin, une représentante du collectif, devenu symbole de résistance à la menace réactionnaire.
l’émiliE : Depuis quand votre centre IVG connaît-il des difficultés à exercer ses activités?
Marie Josée Pépin : Dans le cadre de la loi Hopital Santé Territoire, dite loi Bachelot, on regroupe des hôpitaux en pôle, on mutualise les moyens et on ferme des centres. En sept ans, 250 CIVG ont ainsi fermé.
L'hôpital Tenon entrait dans ce cadre. Il a fermé en juillet 2009, en catimini, après le départ en retraite du médecin. A l'initiative de l'association Droits des Femmes XXe, un collectif est créé et nous occupons le terrain depuis le 15 octobre 2009. Après une lutte victorieuse de 18 mois, le centre rouvrait le 26 avril 2011.
Les catholiques intégristes essaient-ils encore d’intimider les femmes aux portes du centre?
En septembre 2011, ils essayaient de pénétrer dans l'hôpital, la réouverture étant pour eux un symbole intolérable du droit des femmes à disposer de leurs corps.
Et, déjà en 1986, époque où ils attaquaient les centres en cassant le matériel, frappant les médecins, Tenon avait été leur première agression !
Ils reviennent pratiquement tous les mois, prient, avec prêtres et images mensongères violentes. Samedi 20 avril, cela fera la 15ème fois.
Depuis le débat sur le mariage pour tous en France, immédiatement, ils ont lié les deux sujets et des propos homophobes sont tenus par leurs fidèles.
Pourquoi l’hôpital Tenon? Est-ce pareil devant tous les centres IVG de France ?
Ils sont présents sur Grenoble et Bordeaux et à chaque fois, il y a une histoire. Grenoble fut le premier centre IVG ouvert en France. A Bordeaux, Juppé, ancien ministre et maire, a donné une église aux intégristes…
Pourquoi vos droits d’expression ont-ils été restreints (interdiction de manifestation + interdiction de territoire autour de l’hôpital)?
Nous sommes présentes à chaque fois. La première fois a été un peu tendue avec la police, mais rien de grave. La police a comme arguments qu'il y aurait des incidents, donc nous interdit de manifester autour de l'hôpital et interdit de territoire. Par contre, ils sont eux "autorisés" à prier... à côté de l'hôpital. En décembre 2012, le comble, on nous a interdit de diffuser des tracts!
Nous pensions que les choses changeraient avec le nouveau gouvernement, or il n'en est rien.
Il semblerait que ce soit Valls, ministre de l'Intérieur, qui bloque la situation.
Quels sont vos soutiens? Quelles sont vos prochaines actions?
Nous comptons d'abord sur nous-mêmes, le collectif est soudé, très soutenu par la population,
les associations, les syndicats CGT et Sud santé, les organisations politiques de gauche, les éluEs plus particulièrement, celles et ceux du Front de Gauche.
Plus d'infos sous http://collectifivgtenon.wordpress.com/