A Madrid, le porno sauve le théâtre
- Écrit par Nathalie Brochard
A Madrid, Primas de riesgo (Primes de risque) une compagnie de théâtre composée exclusivement de femmes s’est reconvertie dans le porno pour échapper au taux de TVA de 21% qui frappe la culture. Pour poursuivre leur activité théâtrale, le billet du spectacle est encarté dans un magazine pornographique. Un des nombreux exemples de la créativité à l’œuvre qui permet de survivre dans un pays étouffé par la pression fiscale.
Karina Garantiva, directrice et productrice de la petite compagnie, a eu l’idée de se convertir en distributrice de revues érotiques pour profiter du taux de TVA de 4% dont bénéficie la presse magazine. Elle a racheté un stock de magazines porno des années 80-90 cédés à bon prix par un collectionneur. Elle a ensuite changé les statuts de la compagnie auprès de l’administration et le tour de passe-passe était fait.
Intitulée « Revistas Porno 4-Calderón 21 » (Revues porno 4-Calderón 21, du nom de l’auteur Pedro Calderon de la Barca dont la pièce, Le magicien prodigieux est jouée par la compagnie, ndlr), la campagne est destinée à alerter le public et le gouvernement. En septembre 2012, ce dernier a augmenté la TVA de 8% à 21% sur les spectacles de théâtre, musique et sur le cinéma, faisant ainsi chuter les revenus des entreprises culturelles d’un tiers et provoquant des vagues de licenciements sans précédent. Avant cette mesure, le secteur de la culture contribuait à hauteur de 2,5% au PIB de l’Espagne.
Karina Garantiva explique : «Nous ne voulons pas de subventions, notre initiative est privée. La meilleure subvention serait que les mesures fiscales ne m’empêchent pas de faire mon travail». L’initiative n’a pas fait que des adeptes. Des critiques se sont érigées contre le procédé et contre l’idée de recourir à la pornographie pour vendre des places de spectacles. Ce à quoi la directrice répond : «Ce qui est immoral, ce n’est pas que des filles distribuent des magazines porno, mais que le gouvernement offre des facilités à ces publications plutôt qu’à son patrimoine culturel». Elle assure que «rien n’est définitif. Si le gouvernement renonce à ce taux de TVA culturel, nous ferons marche arrière». En attendant, elle invite les autres compagnies à l’imiter.
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