updated 8:25 PM CEST, Apr 25, 2016

The Untitled Feminist Show à New York

A New York, l’utopie d’un monde sans genre

 

Le temps d’un spectacle, oublier la société genrée. Passer outre les codes qui veulent qu’une femme soit comme ci ou comme ça et se comporte comme ci ou comme ça. C’est l’utopie à laquelle nous invite Young Jean Lee dans The Untitled feminist show, à New York. Après avoir bousculé les codes du théâtre shakespearien et titillé la question de la race, la metteuse en scène s’est lancé un nouveau défi : explorer le féminisme.

En réfléchissant pendant un mois avec les six performatrices bien connues de la scène new-yorkaise sur ce qu’était le féminisme, le débat s’est vite révélé chaotique, la notion impossible à définir et l’ambition trop vaste. Mais metteuse en scène, chorégraphe et performatrices étaient d’accord sur un point : toutes rêvaient d’un monde avec davantage de fluidité des genres. A quoi ressemblerait un monde dans lequel on pourrait être qui l’on veut et faire ce que l’on veut, sans conséquence et sans que le genre n'entre en compte ?

Pantomime sexuelle, opéra-rock ménager, jouissance saphique, jeux insouciants, chaque tableau explore une nouvelle facette de la femme, au cours d’un spectacle aussi fascinant qu’amusant. « Féministe est devenu un « mot sale » avec lequel de nombreuses personnes refusent d’être associées », explique Young Jean Lee, qui le réhabilite avec brio. « A un moment où les femmes risquent de perdre une partie de leurs droits aux Etats-Unis », il était temps pour elle d’ajouter sa pierre à l’édifice.

 

Comme une photographie du National Geographic

La nudité et la diversité des corps se sont tout de suite imposées. Alors qu’elle commençait à réfléchir à la pièce, elle est allée voir une exposition du photographe Irving Penn et a trouvé « vraiment perturbant que la beauté ne soit incarnée que par des femmes blanches et minces de la classe supérieure. » Quelques jours plus tôt, elle était allée voir The Soup Show, spectacle féministe de la scène new-yorkaise interprété par trois femmes nues dont l’une afro-américaine obèse. « J’ai vraiment été fascinée par cette grosse femme nue et très sexy », se souvient Young Jean Lee.

La nudité des six danseuses qui viennent de l’univers du cabaret, du burlesque et de la danse moderne permet aussi davantage de fluidité : « Elles changent d’attitude toutes les deux secondes, elles ne pouvaient pas changer de costume toutes les deux secondes ». Mais surtout, après des essais, il lui est apparu que les performatrices « étaient plus sexy habillées, quels que soient les habits, parce qu’on se demande toujours ce qu’il y a en dessous. Sans vêtements, elle ne sont plus des objets de désir, elles ne sont d’ailleurs plus des objets, elle sont juste là devant nous, comme une photographie du National Geographic ».

A la toute fin du Untitled Feminist Show, les six danseuses reçoivent des applaudissements soutenus, après s’être habillées. « J’aimais l’effet d’étrangeté de les voir porter des vêtements, sourit Young Jean Lee, pour la première fois, elles montraient leur individualité et les choix qu’elles ont faits. »

© Photo Julieta Cervantes