Coloriages pour adultes, un art sexué
- Écrit par Nathalie Brochard
Vendus comme solution anti-stress, les coloriages pour adultes ou art-therapy font un tabac auprès des femmes. Après le très hype tricot, voici venu le temps des crayons de couleur. Mais pourquoi cette activité un brin régressive est-elle genrée?
Depuis quelques années déjà, fleurissent sur les réseaux sociaux les oeuvres fièrement exposées par des artistes d'un genre nouveau. Rosaces, mandalas, tatouages, coloriés avec application s'affichent sur la toile avec ostentation. Tous portent la mention "c'est moi qui l'ai fait", un minimum dans notre monde où sommeille en chacun-e de nous un créateur-trice de génie. La créativité de ces coloristes réside dans l'art de ne pas dépasser (le trait du modèle). L'intérêt? Déconnecter. "Cette activité qui implique calme et concentration séduit de plus en plus. On est tellement stressés, sollicités en permanence par nos téléphones portables, internet, les réseaux sociaux, happés par un zapping permanent... Les gens ont besoin de déconnecter", explique à l'AFP Anne Le Meur, éditrice chez Hachette Pratique, "on crée de ses mains, sans compétence particulière, ça décomplexe."
L'éditrice précise que les adeptes sont "essentiellement des femmes, de tous âges, des jeunes filles aux très vieilles dames…". Les hommes ne sont-ils pas stressés eux aussi ? Cette activité ne serait-elle pas assez virile ? "Cette activité implique calme et concentration" explique Anne Le Meur qualités traditionnellement associées aux femmes. Cela nous renvoie aux travaux d'aiguilles qui confinaient nos ancêtres chez elles, entre elles. Ce type d'activité mollement créative ne serait-elle pas assez valorisante pour les hommes ? Crayonner, rester dans la limite d'un trait et suivre un modèle donné serait-ce trop passif ? Les stéréotypes des hommes en action et des femmes bien sages seraient-ils ici validés ? Les coloristes affirment de leur côté que cette activité leur permet de ne pas réfléchir, de décompresser et d'avoir au final un résultat agréable à l'oeil qui les satisfait. Hachette dit vouloir élargir sa cible en proposant aux garçons des modèles spécifiques comme celui de street art intitulé "Graff' L’art de la rue à colorier". Ah bon et pourquoi pas les rosaces pour eux aussi? C'est à cause de la fameuse différence des sexes encore et toujours... Décidément le gender marketing persiste et signe.